Sous les drapeaux, nos chapelles

Chaque 1er mai, ce même rendez-vous. Les drapeaux rouges, verts, roses. Le soleil printanier qui rend légers les pas des militants. La foule n’était pas immense cette année, mais elle était diverse. Toutes les familles de la gauche charentaise étaient là, réunies au-delà des nuances, des histoires, des chapelles. Ces rendez-vous réguliers ont quelque chose de précieux : ils rassurent, ils réchauffent. Ils rappellent le lien qui subsiste encore.
En marchant, j’ai pensé au travail. Parce que c’est de ça, avant tout, dont il s’agit le 1er mai. Pourtant, est-ce que la gauche ne s’est pas un peu éloignée de ce sujet ? Le travail n’est-il devenu pour elle qu’une simple question d’aliénation ou, au contraire, une réalité oubliée ? Je me demande souvent comment retrouver un équilibre juste : parler de dignité sans nier les souffrances, évoquer la fierté sans tomber dans l’idéalisation. Peut-être qu’en renouant un dialogue sincère autour du travail, la gauche retrouverait ce lien essentiel avec celles et ceux qui vivent cette réalité chaque jour.
Au cœur du cortège, j’ai retrouvé un ancien camarade du Parti Socialiste, perdu de vue depuis des années. Quelqu’un d’essentiel dans mon parcours militant. C’est lui qui m’a démontré qu’il est possible de ne pas s’enfermer, de rester agile politiquement, d’oser changer de chapelle quand les convictions l’exigent, tout en gardant cohérence et droiture dans les convictions. Lui-même a toujours navigué librement, porté par ses intuitions, ses analyses, ses valeurs profondes, sans jamais cesser de parler à tous.
Je me souviens encore d’une discussion d’autrefois, où il m’avait surpris en me parlant de son horizon politique idéal : l’anarchie. À l’époque, ce mot était synonyme de chaos pour le jeune militant que j’étais. Il m’avait amené à dépasser mes préjugés, à lire, à comprendre l’anarchie telle que la voyait Proudhon : non pas le désordre, mais l’ordre sans pouvoir, la société organisée librement par la responsabilité de chacun.
Retrouver ce camarade aujourd’hui, c’était renouer avec cette leçon essentielle : tenir fermement ses convictions tout en restant ouvert aux autres, savoir évoluer sans jamais se renier, parler à tous sans céder sur l’essentiel. Et si c’était justement cela, la clé pour réinventer une gauche sincère, connectée, capable d’entendre et de porter à nouveau la voix des travailleurs ? Peut-être est-ce à partir de ce socle retrouvé, réaffirmé, que nous pourrions recommencer à avancer.