Voix de retour

Le Bivouak de la discorde

image Il y avait du monde, ce soir-là. Des élus, des techniciens, des habitants venus parler d’une guinguette. Le Bivouak, c’est son nom. Lieu vivant, installé l’été sur le site de l’ancienne piscine de Bourgines. Une friche transformée en espace de rencontres. Plutôt une bonne idée, sur le papier.

Sauf que pour les riverains, ça grince. Circulation, stationnement sauvage, nuisances sonores, allées et venues jusqu’à tard dans la nuit. Et ce soir, la réunion était censée faire le point, apaiser, écouter.

Mais ce n’est pas ce qui s’est passé.

Les élus ont commencé… par autre chose. Par la présentation d’un nouveau projet, un nouvel aménagement pour Port L'Houmeau. Un PowerPoint. Des visuels. Une belle promesse de reconquête urbaine. Très sincèrement, sans doute une idée intéressante. Mais pas ce pour quoi les habitants étaient venus. Pas ce qui brûlait. Et dans la salle, la tension a commencé à monter. D’abord par regards échangés, puis par des souffles, et enfin par des voix. “Et la guinguette ? On en parle quand ?”

Ce que j’ai vu ce soir, ce n’est pas tant une réunion ratée qu’un modèle à bout de souffle. Une façon de faire de la politique locale qui tourne en rond : poser une animation sans penser les usages, annoncer avant de concerter, colmater au lieu de concevoir.

Car tout est là, en fait : ce projet n’a pas été designé. Il n’a pas été imaginé dans ses usages réels. On n’a pas cartographié les flux. On n’a pas écouté les riverains avant. On n’a pas fait l’exercice de se projeter : qui vient, à quelle heure, comment, avec quelle voiture, pour quoi faire, et jusqu’à quand ?

Ce soir, j’ai vu ce que produit l’absence de méthode dans l’espace public. Une bonne idée qui vire à la crispation. Un projet qui divise. Des excuses qui arrivent trop tard. Des rustines de signalétique et des promesses d’aménagements futurs, alors que ce qu’on demandait, au fond, c’était d’avoir été pris en compte avant.

Et au milieu de tout ça, des jeunes gérants qui tiennent une guinguette avec de l’envie, de l’énergie. Des riverains fatigués mais pas fermés. Des élus qui peinent à faire le lien. C’est triste, parce qu’il y avait sûrement une belle histoire à écrire.

Mais ce soir, personne n’était sur la même page. Peut-être même pas dans le même livre.

Et moi, je suis reparti en me disant que ce qu’il manque parfois à la ville, ce n’est pas tant des idées, ni même de la volonté. C’est une boussole. Une capacité à concevoir à partir de la vie réelle. Et pour ça, il faut du temps, de l’écoute, des tests, des prototypes, de l’humilité.

Bref. Du design.