Le bruit et la fureur

Il y a des jours où la politique donne la nausée. Pas pour ses idées, ses conflits ou ses désaccords — c’est leur matière même. Mais pour ce qu’elle devient parfois : un jeu de dupes, une querelle d’égos, une scène où l’on s’invective dans l’indifférence au décor qui s’effondre. Aujourd’hui, 15 avril, c’est jour de vote du budget en Charente. Il ne sera probablement pas voté. Et tout le monde le sait.
L’histoire est déjà trop longue pour la résumer : départs en chaîne, trahisons feutrées, lettres ouvertes et messages assassins. Des élus qui claquent la porte, d’autres qui menacent de la faire, un président accroché à son fauteuil comme à une bouée, un groupe majoritaire devenu minorité, et une chambre départementale devenue théâtre. À tel point qu’on ne sait même plus qui joue avec qui, ni pourquoi. Le scénario est abscons, les actes s’enchaînent, mais le sens s’éloigne.
Ce qui devait être un mandat de gauche plurielle, de transition écologique et d’apaisement démocratique, vire au fiasco. 1 634 pages de budget pour finir rejetées. Des mois de tensions pour déboucher sur une impasse. Et au centre, un président isolé qui jure qu’il ne démissionnera pas, et des opposants qui semblent plus pressés de se positionner que de construire. Les dés sont pipés, les alliances changent de forme selon les convenances, et la citoyenneté — la vraie — n’est plus qu’un prétexte lointain.
Et pendant ce temps-là ? Des services à bout de souffle, des familles qui attendent qu’on s’occupe des collèges, des routes, de l’enfance. On prétend décider pour eux, mais on se bat surtout entre soi. Avec une violence froide. Une morgue contenue. Et une absence totale d’écoute mutuelle. L’arène est là, mais ce n’est pas celle qu’on avait promis de construire. C’est une arène vide, de sens, de cap, d’espoir.
Peut-on encore sauver quelque chose ? Peut-être. Mais à condition de faire un pas de côté. De sortir des postures. D’accepter de perdre pour mieux reconstruire. Aujourd’hui, la politique locale montre ce qu’elle a de plus laid. À quand le sursaut ?
Et si, finalement, ce gâchis n’était pas le fruit de la complexité… mais de l’oubli ? L’oubli de ce pourquoi on est élu. L’oubli de ceux pour qui on l’est.
Qui osera encore écouter, vraiment ?