Voix de retour

Le grand théâtre du budget municipal

image Chaque année, la même scène. Une salle éclairée un peu trop crûment, des visages graves, des dossiers feuilletés avec importance, et des formules bien rodées : prudence, combat, équilibre, effort collectif. Les mots tombent comme des coups de tampon administratifs. Ils disent la gestion, la rigueur, la responsabilité. On y parle de chiffres, de ratios, de projections. Mais de quoi parle-t-on vraiment ?

C’est une étrange liturgie que celle du budget municipal. Une mise en scène où l’on rejoue inlassablement la même pièce : la ville tient bon, malgré tout. Malgré la baisse des dotations, malgré l’inflation, malgré le contexte. Un budget de combat, dit-on cette fois. Comme si l’argent public était un champ de bataille. Comme si la ville luttait, armée de ses tableaux Excel, pour une victoire que personne ne définit clairement.

Et pourtant, dans les tribunes invisibles de ce théâtre budgétaire, il y a les absents. Ceux qui ne lisent pas les délibérations, qui ne scrutent pas les courbes d’investissement, mais qui perçoivent malgré eux les décisions prises ici. Ceux qui voient leur rue s’éteindre faute d’entretien, leur quartier changer sans qu’on leur demande leur avis, leur ville se transformer au rythme des arbitrages invisibles.

Ce rituel, presque solennel, a-t-il encore du sens pour eux ? Se préoccupent-ils de ce qui se joue ici, ou bien sentent-ils confusément que tout cela se joue ailleurs, autrement, sans eux ?

Une voix, pourtant, a brisé le cérémonial. Une élue, Sandra Ros, a parlé. Pas de finances, pas de budgets, pas de stratégies d’investissement. Juste quelques phrases pour dire qu’elle a été victime de violences conjugales. Silence dans la salle. Dans ces instants-là, on touche à quelque chose de plus vrai, de plus concret. Une ville, ce sont des chiffres, oui, mais ce sont aussi des existences. Et il arrive que, le temps d’une prise de parole, l’important refasse surface.

Mais sitôt la vague passée, la mécanique reprend. Les pages se tournent, les votes approchent. L’assemblée se replonge dans son ordre du jour. Comme si, une fois encore, tout cela n’était qu’une affaire de colonnes budgétaires à équilibrer.

Alors, cette année encore, on votera. Mais au fond, ce budget de combat, c’est un combat contre quoi ? Contre qui ? Et -surtout - pour qui ?