Loin, très loin d’ici
C’est une annonce faite à Washington. Un tour de vis fiscal venu des hauteurs du pouvoir américain. Une décision qui, dans un premier temps, n’a sans doute pas fait frémir les terrasses d’Angoulême. Et pourtant.
À La Couronne, Saint-Séverin, Magnac-Lavalette ou encore Saint-Saturnin, les conséquences sont bien réelles. Ici, un atelier de tapis techniques pour sols, là une usine de papier sulfurisé, plus loin une PME de cirage ou une start-up de biotechnologie végétale : autant de mondes bien distincts, unis par un même fil invisible — celui des exportations vers les États-Unis. Jusqu’à 50 % du chiffre d’affaires, pour certains. Un lien commercial devenu, en quelques années, presque vital.
Alors quand ces taxes surgissent, c’est tout un équilibre qui vacille. On s’organise, on adapte, on espère. Certains envisagent de relocaliser… aux États-Unis. D’autres temporisent : « Pas de panique ». Mais derrière le calme apparent, une question sourde : jusqu’où peut-on dépendre d’un ailleurs qui décide sans nous ? Parfois même : contre nous ?
À bien y regarder, cette histoire de taxes n’est pas seulement une affaire de pourcentages. Elle interroge la manière dont nos territoires, même les plus enracinés, vivent aujourd’hui dans un état de tension permanente — entre l’ancrage local et la volatilité globale. On parle d’emplois, de savoir-faire, de stratégies industrielles, mais aussi d’attachement à une terre, à une culture économique. Et parfois, c’est ce lien qu’on sent fragile.
On dit souvent que la mondialisation a rétréci le monde. C’est vrai. Mais elle l’a aussi rendu plus nerveux, plus instable. Elle a tissé des connexions puissantes — et parfois dangereuses — entre un tapis charentais et un décret présidentiel outre-Atlantique.
Alors, au fond, une question : jusqu’à quel point une économie locale peut-elle rester souveraine quand sa survie dépend d’un client à 7 000 kilomètres ?
Et peut-être une autre : sur quoi voulons-nous vraiment fonder la résilience de nos territoires ?